On perd nos vieux. Il paraît qu’on ne les compte même pas dans les victimes de cette tragédie.
Ils disparaissent, petites flammèches soufflées au vent de l’histoire, on les oublie et même pire, on ne peut plus aller les voir.
Je pense à elles, à lui … À ma Simone, 89 printemps et cette incroyable compréhension de l’humain, à Bijou 86 (je crois), dont la vie est un roman que j’aurais aimé écrire, à Jean 88 ans, qui a connu les chevaux dans les champs, qui a travaillé avec eux, à ma grand-mère partie trop tôt, que je fais vivre dans ma tête… Je ne veux pas les perdre, je ne veux pas qu’ils disparaissent avec leurs histoires et leurs clins d’œil, je veux les retenir encore et pouvoir embrasser leur peau devenue si fine au fil des années, je veux encore voir briller leur yeux que trop de lumière à voilé…
Pour eux j’ai écrit ces mots :
virgule sur la partition du temps/chaleur du thorax instant/éblouissement froissé d’un sourire un visage se tourne lentement lumière et ombre le lit de toutes ses larmes, le berceau de tous ses joies en creux les espoirs, le silence des défaites la réflexion réflexe du miroir flexion de la nuque un doute, voile nuageux front ombrageux et le moment file les miroirs se regardent une mise en abime, abyssal appel du vide sale orage de doute le sablier s’évide tout le désert ne suffirait au centre un mur un murmure/équilibre de l’instant bascule-t-on vers le vide ? miroir/mouroir et les mains qui tremblent et les yeux qui cillent et les fleurs de cimetière et les veines apparentes mais le rire d’une enfant la courbe du dos charnelle, sensuelle, cruelle cyphose se fane-t-elle la rose ? elle se creuse elle s’use elle s’épure elle s’allège de mieux en mieux on voit ses ailes l’étendue des âges, l’ensorcelle l’encorbelle la sculpte d’intempéries et d’éclats de rire éros érosion éclosion d’un rayon de sourire, Mamy reviens…

La Négresse à Cheval