Le mois d’Août, les vacances. Les bagages sont bourrés dans la voiture. L’ambiance est survoltée. Faut partir avant que ça pète. On n’oublie rien : les sandwiches, coca, bouteilles d’eau, dolipranes, les smartphones et les casques pour que chacun puisse s’évader dans sa bulle de solitude pendant que papa ou maman suit le GPS. Comme chaque année, comme chaque été, ça fait marrer les mouettes !

Les touristes rouge écrevisse s’agglutinent comme les grains de sables dans le slip. On se promène, on paye triple, tout est prétexte à apéritif. On rigole, on déconne, ambiance boîte de nuit et soirées folles. Un petit film de temps en temps, en général un blockbuster ou un gros navet de l’été dans une ambiance climatisée… Ballades en tongues, soirées barbeuks, feu de camp, amourettes, fumettes, c’est relâche !

Enfin presque. En vrai, on aimerait bien faire comme avant. Fermer les yeux, et se dire que la rentrée c’est loin comme demain. Mais depuis le mois d’Avril on sait tous que demain ne sera pas comme hier. Pourtant chaque année, les vacances sont l’occasion de remettre notre vie à plat. Oui, on déteste tous notre boulot, notre femme ou notre mec nous porte sur les nerfs, nos mômes sont horribles… En vrai ce que nous voulions c’est faire autre chose. Vivre d’autre chose. Et comme tous ceux qui crament sur les plages, nous nous sommes perdus en chemin. Alors nous cherchons la liberté dans son plus petit dénominateur. Dans la lumière bleutée d’un petit écran ouvrant sur un monde factice, dans la climatisation de l’habitacle de sa voiture qui permet quand même dans les bouchons de ne pas mettre une balle au premier conducteur qui haussera la voix en nous traitant d’enculé ; dans la moindre attraction exceptionnelle qui nous offrira l’éphémère évasion d’un truc que nous avions jamais fait contre une jolie petite somme. Putain, on la veut cette liberté. Les riches nous jettent bien la leur à la gueule. La liberté c’est l’exception, c’est faire ce que les autres ne peuvent pas se permettre de faire… Vraiment ?

Bref, me voilà aigri comme un gars qui a pas pris de vacances en Août. 
Ouais, pas de vacances pour l’instant. Alors je mate des films. Tiens donc ! Surprenant.
Je suis même retourné au cinéma et c’était cool. Ça m’avait tellement manqué, putain. 

I see you de Adam Randall et Ip Man 4 de Wilson Yip.
Deux films parfaits pour une reprise en douceur. Pour renouer avec cette vieille connaissance, la salle, les sièges, le grand écran, le son, l’expérience unique, volontaire…

I see You de Adam Randall – 2019

I see you est un excellent thriller, un de ceux dont il ne faut mieux rien savoir avant de le voir sous peine de se gâcher le plaisir.
Un peu comme si je vous disais : tu vois c’est un thriller sur Bruce Willis qui enquête avec une enfant qui voit les morts sur sa propre disparition. Parce que lui aussi il est mort en vrai. Mais ça tu le sais qu’à la fin. C’est génial…
Donc, un inspecteur de police enquête sur un cas de pédophilie qui comporte de nombreuses similitudes avec une précédente affaire. Drame, film fantastique, thriller, policier, comédie romantique, film d’horreur ?
Vous verrez.

Ip Man 4 (2019) est le dernier volet de la franchise.
Il raconte donc la dernière partie de la vie de Ip Man ou Yip Man est un grand maître de Wing Chun, l’art martial traditionnel chinois. Il a acquis une renommée internationale parce qu’il a eu Bruce Lee parmi ses élèves mais il semble que le personnage était plutôt discret.
J’ai vu toute la série. Dernier vestige d’un genre à part entière, les films de kung fu avec lesquels j’ai grandi dans la salle du Royal à Chalon. Un cinéma disparu il y a bien longtemps qui se situait dans le haut de la rue Denon. Aujourd’hui, une résidence d’appartements il me semble ( sob ! ). 

Ces films où 2 écoles, 2 techniques d’art martial s’affrontaient méchamment mais toujours dans l’esprit et les règles de l’art : La Hyène intrépide (1979), Drunken Master ; réalisé par Yuen Woo Ping (1978) et sa fameuse technique de l’homme Saoûl, sa suite Combats de Maître (the drunken master 2, 1994) ; sans doute l’un des meilleurs que j’ai pu voir et tous les films de Jackie Chan de cette époque dont chaque photogramme vaut 100 000 fois un Rush Hour entier (tristesse et mépris du cinéma américain pour le talent asiatique alors qu’il n’a eu de cesse de le pomper ses vingt dernières années). Et Le bras armé de Wang Yu contre la guillotine volante (1976), Big Boss (1971), la fureur du dragon (1972)…Y’a quelque chose de cela dans le dernier IP Man d’ailleurs. Il aborde sans détour le traitement de la communauté asiatique aux états-Unis dans les années 60 qui ne semblait pas meilleur que celui de la communauté noire. Mais pas seulement, il montre le racisme à double sens. Comment les chinois ne voulaient pas partager les secrets de leur art martial. Comment Bruce Lee a dû se battre des 2 côtés parce qu’il désirait transmettre son art à tous sans distinction. Au passage une scène renvoie directement à la séquence où Brad Pitt latte Bruce Lee dans Once Upon a time in Hollywood. Le propos s’inverse. Un gros bifteck américain prétentieux se fait exploser par Bruce Lee superbement interprété par Danny Chan. Et puis le combat Final entre Scott Adkins qui en fait des caisses dans le détestable et le maître Ip est gigantesque. Les chorégraphies des combats sont réalisées par Yuen Woo Ping (le gars derrière celles de Tigres et Dragons et toute une tripotée de films dont Kill BillThe GrandmasterIl était une fois en Chine, les précédents Ip Man et Drunken Master…).
C’était une véritable aubaine et un pur plaisir cinématographique de revoir ce genre de cinéma sur grand écran. En même si c’était peut-être la dernière fois. Au moins j’aurais été là.


Vous vous dites que j’ai pété les plombs et que je commence à raconter vraiment d’la merde. Et ben figurez vous que je vais continuer.

Entre les films, je fais des pauses. Je mange par exemple.
Important. Et donc je ne sais plus trop quand, je me décidais de préparer une bonne petite omelette. Premièrement parce que j’avais la dalle et deuxième parce c’est moi qui devait faire à manger et que ça fait parti des plats que je peux réaliser sans trop les rater.
Il se trouve que je possède une superbe poêle anti-adhésive qui me permet de réussir à merveille ce plat. En tout cas suffisamment pour ne pas me sentir complètement misérable. En fait, je maîtrise l’art de faire la cuisine comme celui du football. Je sais qu’il faut taper dans la balle quand elle arrive dans mes pieds et si possible, ne surtout pas la renvoyer à quelqu’un qui n’a pas la même couleur de t-shirt. L’omelette glissait dans la poêle, frémissait, se teintait de toute une variation de couleurs allant du crème au marron terre. Ça se présentait bien. Je l’ai aromatisée, servie avec une petite salade et un peu de sauce Sriracha. Après l’avoir dégustée, j’ai mis la poêle dans l’évier.
Précision important, mais peut-être le savez vous, je nettoie toujours la poêle avec le côté doux de l’éponge pour éviter au maximum d’abîmer le revêtement anti-adhésif.

Rien de tel qu’un bon film après un bon repas. La vie simple quoi ! 
Fin février, j’ai vu passé comme une comète au cinéma un film qui, confinement oblige, m’est passé sous le nez. Je l’ai découvert ces jours-ci. 

C’est Dark Waters de Todd Haynes (2019).

Habité par Mark Ruffalo, vous savez le gars qui joue Hulk dans les films à franchise (comme quoi Hulk est moins bête qu’il ne paraît), au point d’en être aussi producteur, Dark Waters raconte l’histoire vraie de Robert Bilott et du combat qu’il mène encore aujourd’hui pour mettre à jour un des plus gros scandale industriel de ces dernières années. Et je vous le donne en mille : il concerne le Teflon, ce revêtement magique généralisé dans les poêles téfal et meilleure ami de la ménagère depuis des décennies. 

Le combat de Robert Bilott, jusque-là avocat spécialisé dans la défense des industries chimiques, commence en 1998 quand un paysan de Virginie occidentale vient lui demander de poursuivre l’industrie Dupont De Nemours, que son cabinet défend, parce que l’une de leur usine a empoisonné la campagne de son enfance. C’est le début d’une longue, très longue enquête de quinze ans qui le mènera à révéler le scandale sanitaire du Teflon.

Ce scandale, il est maintenant connu, et prouvé. Sachez que le teflon est une molécule au doux nom de polytétrafluoroéthylène, découverte en 1938. En 1945, Dupont De Nemours en fait une marque déposée et le revêtement servira notamment pour l’étanchéité des chars américains et dans la production d’uranium pour la bombe atomique. Sachez également que chauffer à 230° le Teflon devient toxique et à 350° il provoque des émanations corrosives et mortelles. 250° c’est la température idéale pour une bonne petite omelette. 

En dire plus serait déflorer tous les ressorts de cette histoire passionnante. Et comme on dit le pire, c’est que tout est vrai. Et je serais vous, si vous ne connaissez pas l’histoire je regarderais le film direct parce que c’est une œuvre de salubrité publique.

Le Teflon n’est pas produit par la nature mais bien par l’Homme. 

La société Dupont De Nemours connaissait les risques de cette molécule depuis les années 60.
En 2015, le scandale éclatera au grand jour en grande partie grâce à l’acharnement de Robert Bilott et de quelques uns de ses soutiens. 
Le film met en avant le parcours du personnage avec intelligence et humanité. Son acharnement, son opiniâtreté à révéler et condamner cette firme au détriment de sa vie sociale et personnelle. 
Dark Waters est un film captivant, superbement interprété par Mark Ruffalo, mais aussi Anne Hathaway et Tim Robbins qui jouent des personnages discrets mais essentiels. Une histoire à la fois triste et pleine d’espoir. Parce que le film nous fait comprendre que ce ne sont pas les éclats fugaces qui font de nous des héros mais bien une volonté sans faille et la persévérance dans la lutte pour des idéaux.

Des personnes qui trouvent leur liberté dans le bien-être commun plutôt que dans l’enrichissement personnel et la dissimulation, ça existe. Robert Bilott est de ceux-là.

Dark Waters est distribué par Le Pacte, il est sorti en blu-ray le 19 Août et il est disponible sur presque toutes les plateformes (Filmo TV, Canal VOD, UniversCiné, Orange, My TF1).

Et si je peux me permettre ce raccourci audacieux avec l’époque. Il va falloir être patient avec l’histoire du (de la?) Covid.
Les infos contradictoires dans tous les sens sur les murs sociaux. Les masques une atteinte insupportable à la liberté ( je mets pas de masque si je veux parce que je suis pas un mouton dis-je sur l’un des réseaux les plus surveillé au monde avec mon smartphone qui m’a coûté un bras)…Tout comme celle du Teflon, l’affaire du sang contaminé a durée 15 ans entre le dépôt des premières plaintes et la clôture définitive de l’affaire (1988-2003)… 

« L’affaire du sang contaminé a mis en lumière le manque de stratégie à long terme des décideurs politiques dans le domaine de la santé publique. Elle a également contribué à mettre en lumière pour l’opinion publique, le rapport systématiquement appliqué entre profit et santé pris au niveau des décideurs, les magistrats de la commission d’instruction de la Cour de Justice de la République soulignant, notamment sur le sujet de la mise en place des tests de dépistages en 1985, « des retards fautifs, découlant du primat de l’économique sur le sanitaire ». Ok ! Donc patience, instruction et persévérance.

CARTE DES COMPLOTS LIÉS AU COVID – VAS-Y CLIQUE SUR L’IMAGE !

Le combat est bien plus profond, je ne suis pas sûr de pouvoir y faire quelque chose.
Je ne suis pas Robert Bilott. Mon post Facebook rageur n’y changera rien. J’ai pas d’avis, je cherche pas à avoir raison. Est-ce que la question c’est combien de gens je suis prêt à sacrifier sur l’autel de mon bien-être ? Parce que seul le temps… Si je dois mettre un masque pour aller dans un magasin, je le mettrais. J’en ai rien à foutre. Si je dois en mettre un dans la rue. Ça fait un peu chier c’est vrai. Mais ça ne bouleverse pas fondamentalement ma vie, ni ma liberté. Dans nos sociétés, l’injustice est la norme, les combats à mener sont nombreux,. Mais accepter l’injustice parce qu’elle est la norme, se ranger à ses côtés pour profiter de ses effets en plissant les yeux pour voir flou ses fonctionnements déréglés, bêler avec les loups, ce n’est pas être libre. 

Bref, j’ai fais un cauchemar aussi. Faut que j’vous raconte :

Je suis dans la rue, j’entends un petit rire névrosé. C’est une estafette de violeur avec des oreilles de Mickey sur le toit. Au bout d’une grand chaîne elle traine un billet gratuit pour Mulan, la dernière super production Disney. Gratuit ! D’habitude Disney, j’men bats comme de ma première communion, mais gratuit !?… Putain je cours après. Je l’atteins presque mais le billet se transforme en multiples petits papillons, j’en attrape un. C’est un flyer pour leur offre V.O.D. Rire névrosé de Mickey. Je jette le flyer par terre.

Une voix tonitruante : « Ramasse ça bordel, la rue c’est pas une poubelle ».

Je le ramasse et le met dans ma poche avec les autres. Un « toudoum » retentit comme un coup de tonnerre. L’estafette se fait percuter de plein fouet par un kangoo. L’estafette fait trois tonneaux et s’encastre dans le poteau d’un feux tricolore. Deux individus habillés d’une combinaison rouge et d’un masque blanc impersonnel, genre Jason à moustache, sortent du kangoo tout guns dehors. Ils arrosent copieusement l’estafette. Des cris mêlés de rires stupides. Les portes arrières de l’estafette s’ouvrent libérant deux goofys bien vénères foncent sur les gars de Netflix. Saut à la carotide, déchirure. Coups de feu aléatoires. Le sang gicle et se dissout dans le rouge des costumes. Flippé, je reste en retrait. Soudain le vrombissement caractéristiques des drones Amazon. Ils chient un chapelet d petites bombes qui pulvérisent l’estafette, le Kangoo et éparpillent façon puzzle les membres des belligérants. J’entends pouffé à côté de moi. Un mec, sapé comme un prince, costume blanc immaculé et revers brodé d’un logo de pomme argent brodé me tend un prospectus Apple TV. Sourire ultra-white et face de statue-selfie. Je le prends, obligé et me casse aussi vite que je peux. En passant devant le PMU des chaînes des petits vieux s’engueulent, leurs marcel aux tâches couleurs lit de vin est floqué de gros placards mal ajustés ; TF1, France Télévisions, Canal, M6. C’est mignon, ils sont assit dans l’ordre! Je débouche dans la rue des dealers de torrents. Je manque de craquer devant les propositions mais je ne vois que de la mauvaise came. De la HD mal dégrossie aux couleurs délavées, je fais le cheval de course, mains en œillères, et continu ma route pour arriver enfin face à l’objet de ma convoitise. Le Cinéma !!

Les affiches m’excitent comme une vitrine d’Amsterdam. Dune, Laissez Bronzer les cadavres, The Strangers, Furie, Ghostland, Les garçons Sauvages, Scanners, Angel Heart, Alleluia, Cabal, Brazil, Dream Home, l’enfant miroir… Elles s’étirent à l’infini, m’attirent inexorablement. Mad Max, Avalon, Green Room, Inferno, Evolution, the Lighthouse… Un typhon qui m’emporte dans ses bras soyeux, souples… Un instant de félicité. Ces films je rêve déjà de les posséder, qu’ils me possèdent, qu’ils me déflorent, qu’ils prennent mon innocence visuelle… Je suis en pleine excitation quand un gros baraqué passe une langue gluante sur la vitrine et colle une étiquette gigantesque sur l’affiche : Sortie V.O.D. Le film disparaît. Un autre, encore un autre plus j’approche de l’entrée, plus les films disparaissent et plus ombreux sont les colleurs. Un petit groupe de personnes tente de discuter avec eux. L’allure normale mais les yeux bleus étincelants comme des consommateurs d’épices. Ils se font savaté par les bodybuilders à langue pâteuse. Ils les frappent à terre. Piquent leurs cartables et le déversent dans le caniveau. Des feuillets par dizaine sont entraînés dans la rigole de sang qui s’écoule. Je regarde passé les pages : Entretiens, photos de tournages, analyses de films, concepts d’affiches, CD de la bande originale. Un patibulaire frappe un des petits éditeurs au sol en me regardant, il rit, un filet saumâtre coule de sa bouche :

« Qu’est ce que tu fous encore là ? T’as pas compris ? Rentre dans ta boîte ».

Ben, tout de suite je comprends pas. Je suis éberlué mais l’envie de voir un film est plus forte. Il n’en reste qu’un. Les Blagues à Toto. Je réfléchi un instant… Ah, l’envie est trop forte. L’expérience en salle est plus importante, j’avance vers la caisse. La Faucheuse qui m’attend essaye de sourire mais manque de perdre sa mâchoire. Je demande une place. 

« Pop corn ? Glace ?
– Non, juste une place s’il vous plaît…
– Aaah, putain, si c’est juste pour voir un film, regarde-le chez toi et évite de me faire perdre mon temps…
– Ben… Oui, juste le film.
– Pfff… ok. Ça fait 187 € »

187 € pour une colique cinématographique. Je pars en courant. Toudoum, rire névrosé, vrombissement, au détour d’une rue je croise le gars sapé comme prince qui me crie : « Ceci est une révolution ».
Je tourne dans une rue sombre et me cogne dans un caddie. Un paquet de jouets se répand sur la chaussée. Le caddie appartient à un homme endormie sous une couverture. j’essaye de le réveiller pour m’excuser. Rien. Je soulève la couverture. Je reconnais l’homme. Il est mort. C’est Méliès.

Je me réveille, glacé.
Heureusement tout cela n’est qu’un vilain cauchemar.


Cliques là aussi : l’appel des 50

L’été de Kikujiro

Et puis L’été de Kikujiro

De Takeshi Kitano.
Kitano c’est ce réalisateur un peu dingue qui a appris le cinéma sur le tas. Parce que à un moment il a voulue s’emparer du médium et le tordre à sa vision. Kitano c’est le gars à la gueule cassée comme si le bien et le mal se battaient directement sur son visage. Une peinture de Bacon à la fois profondément mélancolique et pleine de malice. Kitano c’est la violence brute, sèche, injustifiable, des saillies d’humours surréalistes et une force poétique simple, humaine et touchante. 

Après ses incursions dans le polar brutal et sans concession (Violent copSonatine), Kitano s’accorde une pause dans la noirceur. Une respiration estivale ou la joie et l’humour est un rempart à la tristesse. Un film qui place l’innocence de l’instant au-dessus des vicissitudes de l’existence. Un grand père Yakuza désabusé, Kikujiro et un jeune abandonné par sa mère Masao se retrouvent l’espace d’un été et d’une escapade. L’un est le miroir de l’autre. Rencontre de génération nécéssaire, transmission, expérience, abandon. Une parenthèse pour tous les marginaux qui se croisent. Pas de morale, la vie simple, celle qui nous fait espérer et continuer. Sur la magnifique musique de Joe Hisaishi, L’été de Kikujiro est un film essentiel comme une promenade en forêt.  

Disponible dans une superbe édition collector chez La Rabbia/ The Jokers.

« La Mélancolie, c’est le bonheur d’être triste. »
Victor Hugo aurait écrit ces mots juste après avoir vu L’été de Kikujiro.

Mes jours de gloire
de Antoine de Bary

Une belle daube. Un des symptômes du cinéma français, prétentieux, nombriliste, visuellement moche (On me dit naturaliste). Il paraît que c’est une comédie. J’ai ramé comme si je remontais le cours d’un fleuve. Et j’ai pas vu la source.

Seules les Bêtes 
De Dominik Moll

Dernier thriller du réalisateur de Harry, un ami qui vous veut du bien. Seules les bêtes déroule une structure à la Rashômon ; film de Akira Kurosawa de 1950 qui raconte un même crime mais vu par 4 personnes différentes. Le nom du film est devenu un style ou un effet quand un même événement est vue et raconté différemment par chaque personnage. L’effet est utilisé dans Triangle de Christopher Smith (2009), Pulp Fiction de Quentin Tarantino (1994), Z de Costa- Gavras (1969), Basic de John McTiernan (2003) entre autres…

Dans Seules les bêtes, une femme disparaît le lendemain d’une tempête de neige. Sa voiture est retrouvée vide sur une route perdue du territoire des Causses. 5 personnes se savent liées à cette disparition. Chacune de leur histoire raconte un bout du destin tragique de cette femme. Le véritable sujet du film tarde à se révéler mais c’est pourquoi il garde une certaine saveur. La structure soutient parfaitement le propos du film. Un excellent thriller français. Le film est adapté du roman du même titre de Colin Niel.

Sur Arte Boutique – Univers Ciné – Orange – Filmo TV – Canal VOD.

Roubaix, une lumière
de Arnaud Desplechin

Repoussé par une série d’affiches putassières je m’étais promis d’omettre ce film de ma liste. Et puis le temps et Roschdy Zem aidant, j’ai fini par craquer. Et quelle bonne surprise. Roschdy Zem est un acteur discret, efficace au parcours exemplaire. Son césar pour le film est largement mérité. Dans Roubaix, une lumière son charisme dingue explose au grand jour. Il interprète Daoud le commissaire en chef de la police locale complètement dévoué à son travail. Un gars du cru, qui connaît tout le monde et qui connaît également parfaitement les tréfonds de l’âme humaine. Roschdy Zem lui donne une assurance tranquille presque effrayante, une humanité dans son travail alliée à une force de conviction exceptionnelle. Desplechin le filme comme un gardien à l’aura presque surnaturel, un chevalier émergeant des brumes et de la noirceur de la ville. Contrairement à ce qu’aurait pu laissé pensé les affiches moches que je citais plus haut, c’est superbement réalisé. Léa Seydoux et Sara Forestier sont également très fortes dans des rôles tout en non-dits et sous-entendus. Le film évolue entre mélancolie et espoir, nécéssité et abandon, amour fou et manipulation. Et touche humblement quelque chose d’essentiel. Une très bonne surprise.

Courage pour la rentrée.

“Il vaut mieux mobiliser son intelligence sur des conneries que mobiliser sa connerie sur des choses intelligentes.”

Les Shadoks – Jacques Rouxel

Tony Gagniarre, Août 2020

Illustration entête de l’article @Martin Parr