Le travail occupe une place majeure dans notre société et en reflète le fonctionnement.
Lorsque l’on parle d’inégalités femmes-hommes, on ne peut éviter la question de l’emploi. Cela se joue dès l’enfance, dans ce que l’on s’autorise à rêver pour notre avenir, dans l’orientation et les choix qu’on nous propose, dans la recherche d’un travail, puis au sein de celui-ci.
Il s’avère que les femmes ne sont représentées que dans 13 familles de métiers sur 87 identifiées.*
Pour combattre cela, l’association dijonnaise FETE [Femmes Égalité Emploi] organise des actions de sensibilisation auprès des publics.
Parmi celles-ci, le Carrefour des Carrières au Féminin, un forum des métiers destiné uniquement aux jeunes filles qui cherchent une orientation ainsi qu’aux femmes en ré-insertion.
Cette année, l’événement a eu lieu à l‘Alto, au Creusot et les jeunes collégiennes nous ont expliqué pourquoi elles étaient là.
En bonus, le témoignage écrit de Pauline Lalle, chargée de mission égalité professionnelle au sein de l’association FETE.

Interviews réalisées lors du Carrefour des carrières au Féminin – Alto, Creusot – 06/02/2020



Des métiers de femmes, des métiers d’hommes… Une idée qui persiste sur le marché du travail et dans la société ?
Quels type de métiers semblent fermés aux femmes ?

En effet, les chiffres sont là et montrent une persistance de l’idée qu’il existe des métiers « d’hommes » et des métiers « de femmes », et donc, par ricochet, la persistance d’une répartition genrée dans certains types de métiers.

Les chiffres de l’INSEE et de la DARES nous permettent de mesurer et de mieux prendre en compte les écarts qui perdurent. À titre indicatif, sur les 451 professions existantes dans la région, 60 sont mixtes, 79 sont des professions féminisées et plus de 300 sont dominées par les hommes.

En Bourgogne, ¾ de la population active féminine est concentrée sur 12 types de métiers, alors que ¾ des hommes se répartissent sur 40. Les secteurs de la santé, du social, des services, de l’administration, du commerce emploient entre 78 et 88 % de femmes. 
À contrario, dans les métiers du BTP, de la métallurgie, de la réparation automobile, de l’informatique… les hommes restent encore aujourd’hui  largement représentés.
Alors que ce sont des secteurs qui rencontrent des difficultés de recrutement, d’où l’intérêt de défaire les stéréotypes qui sont attachés à ces secteurs pour permettre à davantage de femmes de les intégrer !

De quelle manière l’association FETE agit contre ces stéréotypes ? Comment est née votre structure ? Quelles sont vos actions ?

Face à ce constat de la persistance des stéréotypes et de la non-mixité de certains secteurs, l’association a plusieurs cordes à son arc.
Nous travaillons avec le public des scolaires sur des temps de sensibilisation aux stéréotypes de sexe et à l’égalité filles-garçons/femmes-hommes, sur des événements autour de l’orientation (comme le Carrefour des Carrières au Féminin !), avec les professeur.es, avec le public des femmes qui souhaitent se reconvertir ou qui sont victimes de discriminations, avec les entreprises et les organisations syndicales (accompagnement à l’organisation d’accords égalité, temps de formation sur l’égalité professionnelle et les violences sexistes et sexuelles, ateliers sur le recrutement sans discriminations), avec les partenaires de l’emploi… 
Notre structure, qui a le statut d’association et de société coopérative d’intérêt collectif (SCIC), est née en 1991 de la volonté de plusieurs personnes de faire bouger les stéréotypes sur les métiers et les filières.

Les métiers en uniformes intéressent principalement les collégiennes et les lycéennes – Crédit Photo : JSL/Ketty BEYONDAS

Marjolaine Rivat, ébéniste à Bresse-sur-Grosne – Crédit Photo : JSL/Ketty BEYONDAS – Carrefour des Carrirèes au Féminin 2019
La marraine de l’évènement, Adriana Domergue. Elle est pilote et instructrice de vol à l’Association Française des Femmes Pilotes. Crédit Photo : JSL/Ketty BEYONDAS – Carrefour des Carrirèes au Féminin 2019


Le salon «Carrières au Féminin » donne l’opportunité aux femmes en insertion et à des jeunes filles qui s’orientent d’avoir une meilleure connaissance des carrières professionnelles qui s’offrent à elles. Pourquoi c’est important de créer un réseau de femmes ?

On constate que lorsque le message est transmis par des femmes, l’identification est plus aisée et les jeunes filles et femmes osent davantage se projeter, se renseigner, poser des questions. Elles s’autorisent plus de curiosité et d’ambition quand elles échangent avec des femmes. 
C’est pour ça que le Carrefour des Carrières au Féminin repose sur 3 idées fortes : des intervenantes femmes qui occupent des métiers atypiques car peu féminisés et qui s’adressent à un public de jeunes filles et de femmes.

Interview de Audrey Blechschmidt, Cheffe de projet en bureau d’étude plasturgie chez Smoby – Réalisée par l’association FETE le 01/03/2018


Vous êtes satisfaites du résultat ?

Les résultats sont satisfaisants car cette manifestation se distingue par sa longévité et son affluence. Chaque année, nous recueillons les questionnaires de satisfaction des visiteuses et des intervenantes. Ceux-ci soulignent le fait qu’elles ont apprécié l’occasion qui leur était donnée de découvrir/faire découvrir des métiers peu féminisés, d’échanger de manière informelle, de participer à cet événement unique en son genre. 

Par ailleurs, les financeurs de cette action (Fonds Social Européen, Direction Régionale aux Droits des Femmes et à l’Egalité, Conseil Régional de Bourgogne Franche-Comté, Conseils départementaux) ainsi que les nombreux partenaires siégeant aux comités de pilotage nous sont fidèles.

La non-mixité, c’est un outil pour rétablir l’égalité ?

La non-mixité est un outil, un moyen et non une fin en soi. Les accompagnateurs des visiteuses peuvent bien entendu être des hommes, mais si nous insistons sur le fait que l’événement est à destination des jeunes filles et femmes, et qu’il est composé d’intervenantes femmes, c’est parce qu’il y a une volonté de créer un espace où les visiteuses se défont des préjugés et se projettent professionnellement. 
C’est le seul événement sur lequel nous insistons sur ce principe, tout le reste de nos actions s’adressent aux 2 sexes. Par ailleurs, les inégalités professionnelles touchant dans une écrasante majorité les femmes, cet événement est important parce qu’il a également une valeur compensatoire, rectificatrice.

Anne-Cécile Mailfert, présidente de La Fondation des Femmes dit en 2018, suite à un « testing » visant à étudier le phénomène de discrimination du genre lors du recrutement :
« Nous disons habituellement aux femmes qu’elles doivent se battre pour un meilleur salaire, pour pouvoir travailler à temps plein, et pour aller vers d’autres métiers que ceux, peu valorisés et mal payés, où elles sont souvent cantonnées. Or, il y a de vrais obstacles à leur entrée dans des univers professionnels où on ne les attend pas ». Quels sont ces obstacles selon vous ?

Les obstacles sont multiples comme le poids des traditions, préjugés sur les compétences masculines et féminines, absence de visibilité et représentations approximatives, voire erronées, de certains métiers…
Ce testing montre bien que les femmes sont parfois volontaires, arrivent à dépasser leurs propres appréhensions et préjugés pour se lancer, mais qu’un travail avec les entreprises et les recruteur.euses est primordial pour que cette volonté se concrétise en activité professionnelle !

Les femmes accumulent parfois plusieurs critères qui peuvent encourager une discrimination à l’emploi à leur égard, comme l’origine sociale ou la couleur de peau. Est-ce quelque chose que vous avez la possibilité de prendre en compte dans votre activité ?

Nous abordons cette question notamment au travers de notre action Femmes et Discriminations qui justement met l’accent sur le fait que certaines femmes, dans leur parcours vers et dans l’emploi, subissent plusieurs discriminations qui reposent sur différents critères. Cela nécessite pour les recruteur.euses d’être d’autant plus vigilant.es dans leurs pratiques de recrutement par exemple.

Parlez-nous de vos futures actions, de vos projets pour la suite !

Nous poursuivons bien entendu notre travail sur toutes les actions sur lesquelles nous sommes mobilisées, mais une date importante est à retenir : nous organisons un événement festif gratuit le 27 mars à 19h à Dijon !
Le but de cette soirée ciné-concert, où deux courts-métrages seront projetés dans le cadre de La Fête du Court-métrage et où une petite restauration est prévue, est de se retrouver pour échanger sur le sujet de l’égalité femmes-hommes, faire découvrir FETE, passer un moment de convivialité et proposer aux personnes intéressées de devenir bénévoles dans l’association.

Suivez l’actu de FETE ici, sur leur facebook ou sur leur chaîne youtube !

*La féminisation des métiers et des professions. Quand la sociologie du travail croise le genre de Guillaume Malochet le 01/09/2007 l’article disponible ici.
« La DARES (Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques) estime que parmi les 87 familles de métiers identifiées, seulement 13 d’entre elles sont véritablement mixtes. Cette répartition est inégalitaire et elle se fait au détriment des femmes, qui sont largement majoritaires sur des postes tels que : aide-ménagère, employé de maison, assistante maternelle ou encore secrétaire. »