Basés à Toulon-sur-Arroux, les artistes de la Compagnie Cipango font partie des artistes les plus talentueux du territoire. On les aime également parce que leur travail, à chaque fois, fait sens culturellement mais aussi socialement.
Dans son dernier spectacle la compagnie s’est intéressée à l’histoire de Jérôme Laronze, paysan désespéré, tué par des gendarmes en tentant de les fuir. Un fait divers tragique, dont les signes annonciateurs révèlent tout le mal-être de certains paysans de la région, ceux qui ne sont pas forcément adaptés à l’agriculture moderne et que la machine administrative broie.

Pour nous expliquer la démarche derrière Petit Paysan Tué, c’est l’autrice et metteur en scène de la pièce, Yeelem Jappain, qui s’est prêtée au jeu du Papotage.
Nous l’avons interrogée juste avant une représentation réservée aux professionnels du spectacle, à laquelle nous avons eu la chance d’assister en tant que média. Elle nous raconte comment elle, la parisienne, a rencontré le monde paysan ainsi que la famille Laronze et leur combat pour la mémoire de Jérôme. Pourquoi elle a choisi ce sujet peu ordinaire et comment elle l’a transformé en acte théâtral engagé, même si elle s’en défend du bout des lèvres. Un échange riche, dans l’atmosphère feutrée de la petite salle de l’ARC au Creusot…

Yeelem Jappain, au micro de Papotage

Petit Paysan Tué, c’est l’histoire de Baptiste (Jérôme), son engagement, sa personnalité haute en couleur jusqu’à l’agacement parfois. Un homme qui même entouré d’amis, de collègues et surtout de sa famille, va connaitre la solitude face à la toute puissante machine étatique encadrant son activité d’agriculteur. Et ce jusqu’à la descente aux enfers inéluctable où il perdra jusqu’à la vie.
Nous suivons trois personnages en scène, Baptiste bien sûr, que le bluffant Étienne Durot porte d’un bout à l’autre de la pièce, de monologues enflammés en abattements transis d’une folie naissante.
Il est accompagné de sa soeur et de son beau-frère. Leurs moments partagés, intimes, rythment la pièce, la danse l’emporte parfois même sur le dialogue.
Si la mise en scène recèle encore quelques fragilité dans les transitions, l’écriture est d’un grande finesse. Le nombre restreint de comédien-ne-s au plateau nous ouvre pourtant tout un monde, les micro-évolutions des personnages comme du décor tracent des perspectives ciselées qui révèlent toute la complexité de la situation.
Un bon cru donc, pour cette nouvelle création cipanguesque et un éclairage différent sur un récit que la froideur des journaux locaux n’avait pas réussi à nous faire ressentir complètement.

Pour en savoir plus, ça se passe sur le site de la compagnie.

Benjamin Burtin, Février 2021