Tout cela nous ramène au temps.
Cette denrée intangible et fugace. Cette invention humaine qui nous modèle du berceau à la tombe, ce passage qui nous morcèle. Car au travers de cette injonction à rester chez soi, il nous faut apprendre un nouveau temps. Il ne s’agit plus de courir d’une tâche à l’autre, il ne s’agit plus de ne pas arriver en retard, il ne s’agit plus de s’agiter. Pour ceux qui doivent rester chez eux, il s’agit d’orpailler, de tirer la quintessence de chaque activité, il s’agit de vivre là, maintenant, le simple, la rencontre répétée de l’autre.
Tisser la parole et tricoter les silence. Regarder la lumière danser au travers des fenêtres. Nous, voilà tous prisonniers d’un temps suspendu. Une parenthèse à géométrie inconnue. Nous avons beau faire des projets, nul ne sait quand ils pourront être réalisés. Cette plage de temps s’étire jusqu’à l’horizon et elle est vierge d’empreinte. Nous voilà, explorateur, découvreur, inventeur.
J’imagine d’aucun poussant les aiguilles d’une horloge hors norme, tandis que d’autres retrouve l’émotion muette des enfants face à l’éternité des vacances d’été. Le temps retrouve tout son élasticité, il s’écoule parfois à la vitesse d’un torrent en furie, alors qu’il s’étire ailleurs, miel ou magma lent. Sommes-nous tous surpris d’être rester une heure prisonnier de la toile, alors que les secondes s’éternise quand il s’agit de faire un exercice fastidieux. Jouer alors avec la verve de l’enfance, croire à ses propres histoires, danser sur un fil tendu au-dessus de l’abime, les cheveux fous et les yeux mi-clos. Enfourcher d’un seul élan, la cavale de l’instant et traverser l’éther dans un galop fracassant, jouer à être perdu ou trouvé, jouer les héros ou les bandits, travestir le temps en un ailleurs merveilleux, un maintenant infini. Le présent du présent.



La Négresse à Cheval