Il souffle, elle exhale, la borée s’est levée et avec elle un rappel des règles des saisons, c’est le printemps, certes, mais pas encore le moment de courir presque nue dans les champs. Et la flore se déploie sourde aux alertes, aux angoisses humaines, les fleurs s’épanouissent et envahissent de leurs parfums capiteux l’air ambiant.
Ambiance de début du monde, ce n’est peut-être que la fin d’un système. Les oiseaux tels une nuée de feuilles mortes revenues à la vie piaillent et se disputent dans les buissons encore dénudés. Les guêpes construisent des nids dans chaque interstice abrité. Et la Borée souffle, elle fait gémir les haubans de notre chapiteau désolé.
La bise revenue, je m’inquiète pour les sans-murs : ont-ils pu s’abriter ?
Je lis dans le flux virtuel que certains ont été verbalisés. Hypocrisie d’un état qui punit ceux qu’il ne peut domestiquer. Je me souviens de cette rencontre avec un Diogène du Quercy qui connaissait tant de plantes à manger qu’il ne sautait les murets des résidences secondaires que pour cueillir les fleurs encagées que leurs «propriétaires» ne verront même pas faner. Ses belles rides glanées au gré des saisons vécues sous les étoiles, lui tissait sur le visage un entrelacs de sourires et de rires perlés. Un vrai Diogène avec la longue capote délavée de pluie, les bottes solides gainées de boue et les mains rougies par tant de ruisseaux. Il m’a dit qu’en cette belle journée de Mars, il allait ne pas travailler, couché sur le dos, il surveillerait le troupeau d’abeilles d’un voisin qui viendraient libres butiner un champ de narcisses. Il m’a dit habiter une masure de pierre, ornée d’une ampoule et d’une radio pour entendre le fracas du monde tamisé par la bande FM.
Il m’a dit ne pas craindre le confinement, il m’a dit aimer être en couple avec lui-même. Et sous ce vent du nord, je pense à lui, je tourne mes pensées vers le sud-ouest et puise en lui un peu de sagesse.

LA NEGRESSE À CHEVAL