Depuis quelques jours, on observe des plumes sur les réseaux sociaux qui nous touchent, qui nous inspirent. On s’est dit que ce serait cool de vous en faire profiter. Billet d’humeur, poésie, récit, témoignage, la traversée des jours qui nous isole les uns des autres ne sera que plus douce, accompagnée par la lecture de nos amis qui témoignent du monde par leur fenêtre.

3e jour…

L’ambiance est un peu étrange à Luzy aujourd’hui, on commence à prendre la mesure de la situation, je peux travailler la fenêtre ouverte !! Une aubaine, ça n’arrive jamais !
Relativement peu de voitures circulent, même si ça reste assez régulier, camions et voitures sont toujours là, mais c’est sans commune mesure avec le flot permanent qui rythme notre quotidien de villageois citadins.

Tout est calme aujourd’hui, on entend les oiseaux chanter, de longs moments de silence (parfois presque 2 minutes !) leur laissent un peu de place pour s’exprimer, c’en est presque dérangeant, il y a aussi ces deux pigeons perchés en haut du bouleau en face ma fenêtre qui conversent depuis 1 heure sans s’arrêter ! Non mais pour qui ils se prennent ces deux là, qu’est-ce qu’ils croient ? Qu’ils ne vont se réapproprier l’espace public urbain et la nature aussi vite, aussi facilement…

L’ambiance est presque inquiétante, comme si la folie des hommes s’était évaporée en une nuit, l’humanité aurait-elle enfin arrêté sa course effrénée vers sa chute… « ils » auraient enfin compris ?

La petite rivière qui coule en bas des chez moi, la faune, la flore, la nature, la couche d’ozone, nos poumons, nos tympans, nos systèmes nerveux vont certainement apprécier cette (probablement très courte) « pause » dans la pollution de masse quotidienne à laquelle on s’est (malheureusement) habitués…
C’est un peu déstabilisant, notre quotidien est bouleversé à bien des égards… Mais il y a quelque chose de presque nouveau dans ce village, ça ressemble à quelque chose de nouveau certainement parce qu’on oublié… Oublié l’époque où les camions étaient 10 fois moins nombreux, oublié l’époque où on ne passait pas son temps à commander des milliers de trucs inutiles sur Amazon, oublié l’époque où on allait chercher le pain à pied, où les enfants allaient à l’école à pied, l’époque où il n’y avait pas 4 voitures par famille, l’époque où on gaspillait moins…

C’est étrange, aujourd’hui on pourrait presque traverser le village ou se balader dans les rues en vélo sans risques ! Oui ! Presque sans… Risque ! Incroyable, presque improbable !… Sans risque, enfin sans celui de se faire bousculer, klaxonner, insulter par les furieux pilotes intolérants religieusement installés dans leurs sacro-saintes automobiles ou par les fous du volant, encore plus pressés qu’ils ne l’étaient la veille, et qui refusent eux aussi de partager le moindre millimètre carré de bitume à bord des 38 tonnes de ferrailles de leurs puissantes machines de guerre !

Aujourd’hui à Luzy, on n’aurait presque pas besoin des pistes cyclables ou de zones sécurisées pour les deux roues (et les piétons) qui font tellement défaut à ce village !! Aujourd’hui et peut-être encore demain, ce serait le moment de saisir cette rare opportunité !!!
Malheureusement la période et les circonstances ne sont pas très propices pour profiter de cette accalmie… alors on ne peut qu’en rêver…

Rêver aussi qu’après, après cette période, à l’issue de ce truc qui nous embête, ce truc qui nous fait perdre notre liberté d’agir à notre guise, cette liberté de nous balader n’importe où, à n’importe quel moment, celle aussi de consommer/gaspiller/polluer, allègrement bien sûr… Alors on peut essayer de rêver, rêver qu’après, après cette période étrange on y réfléchisse, juste un peu, y réfléchir…

On le sait tous, bien évidement, c’est utopiste, illusoire, fantaisiste, inimaginable, impensable… L’après…
On le sait tous, il faudra recommencer ! Recommencer comme avant, comme avant mais plus, plus bien entendu parce qu’il faudra gagner plus, consommer plus, rouler plus, compenser… Courir pour récupérer ce qui n’a pas été pris, courir, courir… Pourquoi ? Pour qui ? Courir, après, après quoi, après qui ?

Mais rassurez-vous, il sait lui, dans sa grande sagesse, il sait qu’après… Après, il “faudra tirer les enseignements, et les conséquences”… C’est un banquier, il sait, c’est bien connu les banquiers ils savent mieux que tout le monde ! Il l’a dit, celui qui habite à l’Élysée, celui qui parle à la TV, celui qui affirme qu’on est en guerre, il l’a dit, il sait… Forcément lui… Il l’a dit… Arrêtons de rêver, il l’a dit mais d’ici là il aura oublié, il oublie toujours tout, ses promesses, ses bonnes intentions, les citoyens, les gens, les autres, il oublie toujours tout, sauf bien sur ses amis banquiers et ceux du CAC 40, et les 1% évidement, ceux-là, ses amis, ceux qui lui ont acheté sa grande maison dans la rue du Faubourg, il ne les oublie pas (c’est normal en même temps, vu la taille de la maison, il faudrait être ingrat !)…
Mais les 99% qui restent, il les aura oubliés, il oublie toujours tout ! Il va dans le sens du vent lui, d’Est en Ouest comme une girouette, le vent c’est puissant, ça tourne tout le temps, ça enivre, c’est sûr le vent ça enivre, le vent du pouvoir…
Voilà, il oublie toujours tout par ce qu’il s’enivre du vent, tout le monde le sait, l’ivresse rend fou, l’ivresse rend dépendant, le vent du pouvoir et de l’argent est une drogue, une drogue dure…

Alors bien sûr, on recommencera, on continuera, bien sûr, parce que nous aussi on rêve, on rêve de vent et d’ivresse…
On recommencera, on continuera…
Jusqu’à quand ?


Yves